Salle de la Rotonde du Musée de Louviers,
Conférence du samedi 22 novembre
2003.
Présentée par:
M.
Christophe COLLIOU.
Les joints métalliques des terrasses de Notre-Dame.
Monsieur Christophe Colliou, doctorant en paléo-métallurgie
à l'Université de Rouen, a fait devant un auditoire nombreux
une conférence tout à fait passionnante sur un sujet qui
pouvait paraître
ardu, les joints métalliques de Notre-Dame.
Ces
joints assurent, depuis le XVIe siècle, l'étanchéité
des terrasses en pierre de Vernon, qui couvrent les bas-côtés
de l'église Notre-Dame. Depuis plusieurs années, M.Colliou
étudie ces joints dont la composition, la préparation et
la mise en oeuvre posent beaucoup de questions.
Pour
l'essentiel, ces joints sont à base de limaille de fer et d'oxydes
métalliques, ils sont parfaitement lissés, et des traces
de doigts sur certains d'entre eux prouvent qu'ils étaient posés
à une faible température.
Au
cours de ses travaux, M. Colliou a également fait d'importantes
découvertes dans le comble du choeur de l'église, découvertes
probablement liées aux joints des terrasses. C'est de ces deux
sujets qu'il a brillamment entretenu son auditoire.
Le
conférencier précise d'abord,
d'une
part : des informations très récentes permettent de penser
que les "joints de Louviers" ne sont pas uniques, dans une autre
église du centre de la France, la même technique aurait été
utilisée
d'autre
part : les sources documentaires sur les couvertures de l'église
sont très pauvres, seuls, les comptes de la fabrique font apparaître
en 1764 une commande de limaille de fer (et de vinaigre).
Le
Comble du Choeur.
Après avoir
évoqué le nettoyage indispensable du sol couvert de plusieurs
décimètres de déjections de pigeon, M. Colliou
précise les découvertes faites et les conclusions qu'il
pense pouvoir en tirer.
La sole de
chauffage de 4m², constituée de briquettes posées
à champ était destinée à isoler thermiquement
la voûte du choeur. La charpente au-dessus de cette sole est abondamment
noircie par la suie des feux. Sur un poinçon de la charpente
d'autres traces de suie indiquent qu'une lampe à huile y a longtemps
été fichée et donc que ce comble a été
utilisé sur une longue période.
Toute la surface
du comble n'a pu être fouillée. Dans les zones qui l'ont
été, le sol a révélé un piétinement
intense qui confirme une occupation de longue durée.
Sur les six
zones fouillées, trois se sont montrées très
productives: l'une est couverte de près d'une centaine
de kilogrammes de limaille de fer, les deux autres sont couvertes d'une
couche de paille qui ne présente aucune trace de brûlure.
Dans cette paille
ont été trouvées 16 pièces datant de
Henri III, des morceaux de vitraux et de plomb, des reliefs de repas,
des morceaux de vêtements, des boutons, une carte à jouer,
des dés en os, 17 balles en plomb, des coulures de plomb, une
matrice, des silex de mise à feu.
Sur les murs des
graffitis, dont l'un commence par : "en l'an 1579, je fus assis
ici, tout neuf ...."
L'analyse
des joints métalliques
Les six
échantillons prélevés en différents points,
ont été étudiés en liaison avec un laboratoire
de physique du C.E.A.. Les coupes transversales révèlent
une zone centrale où la limaille n'est pas oxydée et une
zone périphérique oxydée. Le joint très
dur une fois "sec" a été posé sous forme
pâteuse à basse température ( peut-être 80
°C).
L'analyse
au microscope révèle une structure incluant des vides,
des grains métalliques de fer (99,5 %) et de cuivre (0,5%), liés
par un matériau proche du verre, à base de scories de
fonderie (puisqu'on y trouve des microsphères de magnétite
qui ne se forment qu'à plus de 1500°C). La liaison ayant
dû se faire en phase aqueuse. La détection de fibres indique
que les joints posés verticalement ont été lissés
avec des poignées de laine.
Le microscope
électronique montre que la limaille trouvée dans le comble
et la limaille des joints sont de même nature.
Tous
les travaux d'analyse ne sont pas terminés, mais M. Colliou pense
que l'on peut déjà considérer que les joints métalliques
ont été préparés au XVIe siècle dans
le comble du choeur, peut-être avec une technique de type "bain-marie",
et que ce comble a pu être occupé par des hommes en armes
pendant les guerres de religion.
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