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Le Désert des Carmes Déchaussés de la Garde-Châtel. |
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Le Désert
des Carmes Déchaussés
de
la Garde-Châtel.
|
![]() le mur ![]() la Porte aux Pères, route de la Haye-Malherbe NOTES : dans le texte,pour accéder à une note, cliquer sur son Numéro. En consultant une note, pour revenir au texte, cliquer sur le Numéro de la note. |
Parmi
mes souvenirs de jeunesse, l'un des plus vivaces est celui d'un vieux
serviteur de mon grand-père, à la garde duquel j'étais souvent confié
pour les promenades aux environs de Montaure. Il était tout à la fois
mon mentor, mon maître d'équitation et d'allemand. Ces multiples fonctions
peuvent surprendre aujourd'hui, mais n'étonneront plus quand on saura
que le fidèle Blondel avait été dragon au Royal-Allemand ou Royal-Cravate,
que commandait le Prince de Lambesc, duc d'Elbeuf, et qu'il se souvenait
encore de l'allemand, qui faisait partie de l'instruction obligatoire
de tous les soldats du Régiment de Lorraine. Dragon,
c'est ainsi qu'on l'appelait, et ce nom a été conservé à ses enfants
et même encore maintenant à ses petits-enfants, se complaisait à parler
du passé, dont il avait gardé le costume, car il portait encore le catogan
et la coiffure aux ailes de pigeon ainsi que la culotte courte avec
guêtres hautes; aussi fût-il l'objet d'une grande curiosité quand il
vint à Paris en 1845. En dehors de ses récits de campagnes, il m'entretenait
souvent du « Désert » ou du «Couvent du Désert », dont nous longions
les murs quand nous nous dirigions du côté de Louviers. C'est ainsi
qu'on désignait encore à cette époque, une vaste propriété entourée
de hauts murs en pierres et silex taillés, que l'on commençait aussi
à appeler « le Parc de la Garde-Chatel ». On
racontait qu'avant la Révolution, il y avait à l'intérieur de ce Couvent
des dispositions spéciales, qui n'étaient pas celles des autres monastères,
parce que le règlement n'y était pas celui des couvents ordinaires,
Dragon avait vu tout cela, et il avait beaucoup connu un des derniers
moines de ce Couvent, lequel resté dans le pays, était mort il y a peu
d'années. Longtemps il avait cru qu'il lui serait donné de sonner la
cloche comme signal de ralliement et de reprise de possession, puis,
sa vie était devenue celle des autres habitants de la contrée. Dragon
méprisait profondément ceux qui avaient porté des gilets ou autres vêtements
confectionnés avec des étoffes provenant de chasubles ou autres ornements
sacerdotaux. « Gens de malheur ! me disait-il, ils finiront tous mal
! » Sa sinistre prédiction s'est souvent réalisée ! Plus tard, je n'avais plus
mon mentor, mais je retrouvais sans cesse des traces du couvent disparu.
Ce sont ces souvenirs qui m'ont incité à rechercher, puis à retracer
l'histoire de ce couvent. |
Les Carmes Déchaux ou Déchaussés, c'est-à-dire,
ceux de l'étroite observance de la réforme de Sainte Thérèse, avaient
fondé leur maison à Rouen en 1624, à l'aide de la libéralité du duc
de Longueville, seigneur d'Estouteville. En 1638, le douzième chapitre général des Carmes
Déchaussés, célébré à Rome, décida d'établir pour la France, trois grandes
divisions au lieu de deux, comme précédemment, et que chacune de ces
trois provinces, la province de Paris, de Bourgogne et d'Aquitaine,
aurait un Couvent de solitude très exacte auquel il serait donné le
nom de Désert, « à cause qu'il doit être établi dans les bois,
éloigné des villes et de la fréquence des hommes ; et
dans lequel les subjets puissent se retirer de temps en temps, pour y vaquer à Dieu seul, et y reprendre les
forces de l'esprit d'oraison
qui pourraient être diminuées par l'emploi aux choses extérieures, qu'indispensablement
on doit à ceux qui demeurent
dans les couvents ordinaires. L'extrême solitude et l'austérité de ceux
qui se rendent en ces déserts, demandent que ces monastères aient une
très grande enceinte ; ils doivent être situés dans les forêts et être
diversifiés de lieux champêtres et agréables, de vallons, de collines,
de fontaines et d'autres mélanges qui sont propres pour le recueillement
intérieur. » La
fondation du Désert de la province d'Aquitaine eut lieu, la même année
1638, à Gourges, paroisse de Saint-Girons, juridiction de Blaye. Celui
de la province de Paris fut établi seulement en 1660. Fondé le dernier,
il eut plus d'importance et de célébrité. Louis XIV et la Reyne Mère,
Anne d'Autriche, en furent les fondateurs, l'exemple de leur générosité
fut suivi et les donations furent nombreuses. L'ordre des Carmes n'était pas riche ; on ne voit
pas dans leurs aveux une longue énumération de biens, de provendes et
de revenus. Amenés en France par Louis IX, lors de son retour
de la Palestine, le Saint Roy en installa six dans une maison du Port-Saint-Paul,
à Paris ; ce n'est qu'en 1299 qu'ils obtinrent du Pape l'autorisation
de fonder un couvent sur l'emplacement de la maison située rue des Jardins
où neuf ans auparavant, le juif Jonathas avait profané l'hostie sacrée
que recueillit l'église de Saint-Jean-en-Grève[1]. 2 |
En 1309, Philippe le Bel, et la Reyne Jeanne de
Navarre, son épouse, qui avaient pris les Carmes sous leur protection,
leur donnèrent un vaste immeuble situé au bas de la côte Sainte-Geneviève,
qu'ils conservèrent jusqu'à la Révolution[2]. Cette fois encore en 1656, les Carmes Déchaussés
réclamèrent la protection Royale ; ils s'adressèrent au Roy Louis XIV,
lui faisant représenter que « la province de Paris gémissait auprès
de Dieu, de ce qu'en tous les états de la chrétienté, comme Italie,
Allemagne, Pologne, Espagne, etc., etc., on eût bâti des maisons du
Désert, et que la France seule, en fût privée, et ses sujets contraints
d'aller en pays étranger pour jouir de ces saintes solitudes et de ces
asyles de piété, où des Religieux séparés de toutes choses crées, semblent
plus tôt des esprits célestes que des hommes mortels ». Le Roy très chrétien autorisa les Carmes Déchaussés
à établir une maison du Désert pour la province de Paris ; et il leur
fit don de la Vicomté de Bayeux et de ses revenus. Les
archives de l'Eure possèdent un exemplaire imprimé de ces lettres patentes,
donnant cette autorisation et faisant cette donation ; elles sont datées
de mai 1656. Elles furent confirmées par de nouvelles lettres datées
de 1657. Mais ce n'était pas assez d'avoir la rente, il
fallait un lieu pour bâtir le dit Désert, en Normandie. Or, Louis XIV avait précédemment donné, par brevet daté de juillet 1649, à la directrice de la maison de la Providence du faubourg Saint-Marcel, à Paris[3], une portion de forêt, proche Louviers, appelée « le bosquet de la Garde-Chatel »[4]. 3 |
Les Carmes demandèrent et obtinrent échange et
subrogation de ces biens, moyennant versement par eux, à la dite Maison
de la Providence, de la somme de dix-huit mille livres tournois. Ce
contrat fut ratifié par de nouvelles lettres patentes du Roy. Mais il fallait encore la vérification de ces lettres
patentes par le Parlement de Rouen et par la Chambre des Comptes, et
aussi qu'elles soient enregistrées au bureau des finances de la Généralité
de Caen. Briefves réflexions adressées à Nosseigneurs de la Chamhre des Comptes. « On y considère que les opposants peuvent être
classés en diverses catégories : « 2° Messieurs les grands-maîtres des Eaux et Forêts
pour le département de Normandie, et d'autres qui se disent lésés dans
leurs droits de chasse et leurs profits dans ledit bosquet, ainsi que
les moines de Bonport. «
Et enfin les habitants des villages circonvoisins de la Garde-Chatel,
et tous ceux qui se disent riverains, à cause de leurs droitures et
usages qu'ils prétendent avoir dans la forêt de Bord, quoique cependant
ils n'en peuvent justifier aucun. 4 |
« En deuxième lieu, il y a plusieurs rangs de ces
opposants, selon la différence de leurs qualités et de leurs prétentions
; au premier rang se trouve un président au Parlement et deux Présidents
de chambre; au deuxième rang sont MM. les officiers des Eaux et Forêts
et MM. les officiers de la Table de Marbre. Les premiers demandent dix
mille livres pour leur désistement, et les deux autres chacun huit mille
livres. Or, il faut avoir égard que M. le vicomte de Montbars, Grand
Maître des Eaux et Forêts, a dressé un procès-verbal de la consistence
dudit bosquet, par lequel il déclare : « après avoir marché le bosquet,
et avoir examiné exactement l'essence du bois, que c'était un bois abroutis
et abandonné aux riverains, en sorte que ni le Roy ni le Duc d'Elbeuf
n'en pouvaient tirer aucun profit, qu'il ne s'y faisait aucune vente
et qu'il n'était en état d'y en pouvoir faire de longues années, et
que même il était coutumier aux bestiaux de s'y jeter journellement
parce que les officiers étaient dans l'habitude de le souffrir. « M. le Président d'Amfreville est aussi supplié
de considérer que la qualité de Seigneur de Montaure, en laquelle il
prétend des usages audit bosquet, lui a été contredite par M. le Président
du Tronq et même par le Prieur commandataire du Prieuré de Montaure. Malgré
plusieurs jussions du Roy et lettres par lui adressées au duc de Longueville,
Gouverneur de la Normandie, et à M. de Motteville, Conseiller d'Etat
et Premier Président de la Chambre des Comptes, le Parlement de Rouen
tardait à rendre son arrêt de vérification des lettres patentes. 5 |
incommodité que peuvent apporter au Roy ou au public
les dits dons et établissements. En outre, dresser procès-verbal de
la nature et consistence du dit bosquet. L'Evêque envoya signifier les ordres
du Roy au R. P. de la Croix, Prieur du Couvent de Rouen, pour qu'il
vint à la cérémonie avec plusieurs religieux, et lui-même il partit
de son château de Condé le 19 août, et dès le soir fut à Louviers. Le
lendemain 20, il se rendit au lieu dit Désert où, s'étant revêtu de
ses habits Pontificaux, il prêcha au peuple qui était en grand
nombre, accorda quarante jours d'indulgence, procéda à la bénédiction
du dit lieu, célébra la sainte messe, planta la croix, mit les Religieux
en possession et posa la première pierre du bâtiment au nom de Sa Majesté,
avec excommunication de ceux qui seraient si hardis que de violer et
de profaner ce saint lieu [7]. On commença aussitôt à bâtir. La première construction fut l'ermitage situé au coin qui regarde Montaure. La première pierre en fut posée le 4 octobre 1660, et la première messe y fut dite le 21 novembre suivant, jour de la Présentation de Notre-Dame[8]. Cet ermitage servit de demeure aux Religieux pendant que l'on prenait soin d'amasser les pierres, le sable, la chaux, le bois, et de faire les autres préparatifs nécessaires pour bâtir les autres lieux. 6 |
Le
20 juillet 1663, jour de la fête de Saint-Elie[9],
on posa la première pierre à la première cellule du Cloître, qui regarde
l'Orient, tirant au Midi. Elle y fut mise par Mgr Guy du Val, Seigneur
de Bonneval, président à mortier au Parlement de Rouen, accompagné de
plusieurs personnes du Parlement, de la Chambre des Comptes et de grand
nombre des villages circonvoisins et en présence de neuf Religieux de
l'Ordre des Carmes, qui s'en furent en procession, avec un cierge blanc,
à la main. On avait enchâssé dans cette pierre, une lame de cuivre sur
laquelle les armes du Roy étaient gravées au côté droit et celles du
Président au côté gauche, et au milieu une inscription commémorative[10]. A la troisième cellule, on mit, sur une pierre,
une longue inscription qui retrace les difficultés et les oppositions
de toute nature qu'il fallut surmonter, et enfin, que l'eau, la pierre
et le sable furent trouvés sur place, par un bonheur inopiné et providentiel. L'Institut des Déserts prit son origine en Espagne,
où nous trouvons le monastère de Bolarque, dans la Vieille-Castille,
en 1592. Nous trouvons ensuite des Déserts en Italie, en Pologne, etc.,
etc. Le Vén. P. Thomas de Jésus en fut l'initiateur et établit le règlement. Le R. P. Cyprien, de la Nativité de la Vierge,
Carme Déchaussé, venu du Couvent de Charenton, sans doute pour contribuer,
par son savoir en toutes choses, à la création du Désert de la Garde-Chatel,
a écrit sur les Déserts en 1651. Son mémoire est reproduit dans Hélyot;
il a écrit également une instruction, calquée comme le furent toujours
les différentes instructions, sur le premier règlement de 1592; mais
celle du père Cyprien semble avoir été faite pendant son séjour en notre
Désert de la Garde-Chatel; elle retrace très exactement tout ce que
nous avons pu constater dans ce qui fut l'installation de ce monastère
; c'est pourquoi nous avons cru intéressant de la reproduire ici. |
DESCRIPTION Dans
les Déserts, il y a deux portiers, placés en divers logements, pour
en donner l'entrée, et pour instruire exactement les hostes et survenants
des lieux où ils peuvent entrer et où il est permis de parler, pour
ne point troubler le silence et le calme des anachorètes. A la première entrée, le portier, saluant le religieux
qui vient avec une patente pour demeurer dans le Désert, lui dit seulement
ces paroles : L'église est au milieu du couvent, où tous les
religieux, à la façon des R. P. Chartreux, ont chacun une maisonnette
composée d'une cellule, d'un petit jardin et d'un coin pour y mettre
du bois, avec quelques ustensiles pour travailler de la main, et encore
d'autres nécessités s'il y échet. |
Outre les cellules du cloître, il y a encore dans
cette enceinte certains ermitages séparés qui sont éloignés du couvent
de trois ou quatre cents pas, où, en certains temps de l'année, on permet
aux Religieux de se retirer, les uns après les autres, pour y vivre
avec plus de solitude et plus d'abstinence ; estant d'ailleurs obligés
de faire en leur particulier les mêmes actes que le gros de la communauté,
et de donner ponctuellement les offices du chœur, les heures d'oraison,
la Salutation Angélique et les autres actes réguliers qu'on fait dans
le couvent. Pour ce qui est de la messe, les anachorètes séparés la
disent et se la servent réciproquement l'un à l'autre, mais en silence,
et ensuite ils se séparent sans proférer un seul mot. Tous les quinze jours, il y a une conférence spirituelle,
en un lieu désigné pour cet acte, où les Religieux, assemblés et assis
selon leur rang, disent chacun leur sentiment sur une matière spirituelle
qu'on a proposé par forme de thèse, comme seraient les suivantes : |
sa chappe, est conduit dans le chœur, devant le
crucifix, où on allume deux cierges, et récite le Veni Creator! Les constitutions défendent l'entrée de ces Déserts
aux personnes séculières, pour prendre leur divertissement dans l'enclos,
soit pour y chasser, soit pour y pêcher. Ils ne peuvent y loger ou être
admis, à moins qu'ils n'aient bâti à leurs dépens quelque cellule ou
ermitage. 10 |
![]() |
Nous retrouvons dans les
archives du Désert, et notamment sur deux registres intitulés : l'un.
Livre des Fondations du Saint-Désert de la Garde-Chatel, l'autre,
Coppies (sic) des Titres au Saint-Désert de la Garde-Chatel,
l'historique, pour ainsi dire, de l'installation et de la constitution
du Couvent. Nous y trouvons aussi le témoignage de toutes les oppositions
qu’il fallut surmonter et de toutes les procédures qui furent commencées,
puis terminées par une transaction en argent. En tous cas, n'est-il pas
étonnant de constater, à cette époque du Roy Soleil, ces nombreux opposants,
et de voir que les plus notables d'entre eux, sont ceux qui comme on
dirait aujourd'hui, émargent le plus au budget de l'Etat, et sont des
membres du Parlement, des officiers des Eaux et Forêts, des membres
du Clergé, appuyés par leur Evêque et des officiers ministériels; c'est-à-dire
que fonctionnaires et agissants, au nom du pouvoir royal, ils protestent
contre le Roy qui donne une portion de son bien. Lettre de cachet du Roy au duc de Longueville,
lui demandant de protéger l'établissement du Désert. |
Les officiers de la Table de Marbre élèvent la
même prétention et demandent huit mille livres. Le 4 juillet 1668, une quittance de deux cent cinquante
livres, payées aux habitants de Montaure, par le Saint-Désert, pour
le dédommagement des droits d'usage, pacage, fagots, etc., par eux prétendus
sur les bois de la Garde-Chatel, et l'emploi qui en est fait pour la
réparation du clocher de l'église. Au folio suivant, est transcrite la ratification
et l'approbation de la susdite transaction par l'Evêque d'Evreux. |
Sur le registre des Fondations, après les
instructions concernant les prières pour le Roy et sa Maison royale,
se trouve inscrit : MÉMOIRE
DES PARTICULIERS BIENFAITEURS DU SAINT DÉSERT Cellule A. — Messyre de Maupas du Tour, évêque d'Evreux.
a contribué au bâtiment de la cellule A. |
Cellule N. — Mme Marie de Campans et M. Boucher, son
époux, greffier en chef de la Cour des Aydes de Paris, Mme Marie Bannelier
et Melle Bannelier, sa fille, qui sont les parents du R.
P. Cyprien de la Nativité de la Vierge, ont contribué au bâtiment de
la cellule N. Jean des Londes Cabazas, Escuyer, sieur
de Bavant, à Trévières, s'étant retiré parmi les Religieux du Désert,
y a vécu très saintement, et les ayant édifiés par ses bons exemples;
il a en outre fait bâtir la chapelle de la Porterie où il a fondé une
messe basse à perpétuité, pour tous les jours de dimanche de l'année
(il n'y a pas de date). |
Mme la duchesse de Guise a fait bâtir
l'Ermitage Sainte-Anne ou de la Sainte-Famille, et fournit les ornements
de la chapelle. Le 21 mars 1671, donation, par M"'
Marie Bridau, de huit cents livres, pour fondation de deux cellules,
à condition que son nom et celui de son frère y seront indiqués, sur
un écriteau visible, et que quatre messes seront célébrées à perpétuité. Le 13 décembre 1672, donation de quatre
cents livres, par M. Ragon de Bretonvillers, curé de Saint-Sulpice,
pour fondation d'une cellule qui sera nommée de la Sainte-Vierge, et
quatre messes basses. Le 17 juin 1673, donation de quatre
cents livres par M. de Melleville, haut Doyen d'Evreux, pour fondation
d'une cellule qui sera nommée de l'Assomption de Notre-Dame, et quatre
messes hautes à perpétuité. Le 5 juin 1672, quittance de mille livres
à dame Marguerite Paviot, veuve de Robert Lhermette, lieutenant général
en l'Amirauté de France, au siège de la table de marbre du Palais de
Rouen, à cause d'une messe basse le mardi de chaque semaine[13]. Le 23 novembre 1696, donation de M.
Levée, bourgeois de Paris, de trois mille livres tournois, pour être
employés par les Religieux à telle utilité de besoins qu'ils aviseront,
à condition d'une messe basse, tous les jours, à perpétuité. Le 8 janvier 1706, fondation, par demoiselle
Pulchérie de Brouilly, de Wartigny, d'une rente de quinze cents livres,
pour subvenir à l'entretien de vingt Religieux qui doivent être dans
cette maison, suivant la constitution de leurs Déserts, alors qu'elle
n'avait de revenus que pour en entretenir onze, et qu'une personne de
piété venait d'en fonder trois. |
Au folio suivant, la quittance de la
somme de trente mille livres, formant le capital, spécifie qu'il a bien
été convenu qu'au dessus des six cellules sera écrit: Et en cas que, par des événements imprévus, il arrive (ce qu'à
Dieu ne plaise !) que la maison du Désert cessât de subsister dans l'état
et dans la règle où elle est, la demoiselle de Wartigny entend que la
fondation, la création et dépendances d'icelle seront transférées et
ensuite exécutées dans un autre Désert du dit Ordre, où le R. P. Général
jugera que Dieu y sera plus glorifié; ce dont la dite demoiselle charge
le R. P. Général et se rapporte, en ce cas, à sa conscience, etc., etc. Sur ce même registre sont inscrits des actes du Deffinitoire
Provincial, concernant le Désert. Généralement, ces actes sont en latin. Mais dans les titres détachés ou en
dossier, on relève d'autres donations ou échanges de terres ou des acquisitions,
entr'autres une portion de terrain, bien facile à reconnaître, qui était
destinée à donner accès sur la grande route de la Haye-Malherbe à Louviers,
par la côte de Saint-Lubin [14]
; à cet endroit existe encore la grande porte cochère flanquée de son
petit potuis qui a conservé son nom de « Porte aux Pères », avec son
antique caractère architectural des couvents. Aussi, dans un aveu de 1725, les biens
étaient bien plus étendus que l'enclos entouré de murs. Les terres situées
à gauche de l'entrée, nos 1 et 2 du plan, en dehors, jusqu'au
cours d'eau qui passe dans la vallée, appartenaient également au Désert.
Ce cours d'eau, désigné à cette époque, est maintenant desséché. 16 |
Sous un dossier est : « Notice sur le
Noviciat et la Profession solennelle du Frère Laurent de Saint-Vincent
». En 1686, l'abbé Jean-Baptiste de la
Salle, le fondateur des Frères de la doctrine chrétienne, vint faire
une retraite au Désert du Carmel. Les Carmes du Désert de la Garde-Chatel sortaient quelquefois de leur solitude pour rendre service au dehors. Ainsi, en 1691, Frère Guillaume Colin, dit Sainte-Madeleine, prêtre ermite, se chargea pendant quelque temps du desservice, de la paroisse d'Ecquetot. 17 |
Vers la fin du siècle dernier, le Désert
fut restauré par Madame Louise de France, fille de Louis XV,
qui elle-même était Religieuse Carmélite. Elle avait des désirs ardents
de demeurer quelque temps au Désert de Louviers[15]. Nous voici arrivés à la période révolutionnaire. C'est maintenant
par les registres de la Révolution que nous apprendrons ce qui s'est
passé dans ce Couvent, pendant ses dernières années jusqu'à sa fin. |
![]() Le quadrilatère ( sous le mot Châtel), actuel potager, est l'emplacement du bâtiment conventuel. |
En outre, on donna à chaque Religieux,
Frère et gardien un demi-muids de cidre, plus une pipe vide et quelques
bouteilles de verre vides. Evidemment, nous voyons, d'après ces
extraits de l'inventaire, que les cellules étaient mieux fournies que
les constitutions ne le comportent; mais l'inventaire religieux démontre
un monastère pauvre, car on n'y trouve quoique ce soit de curieux ou
de superflu. En voici un exemple : Assistés de MM. les Prieur et Religieux,
nous sommes entrés dans l'Eglise et avons trouvé dans le Tabernacle
un saint Ciboire en argent et une « bouette » (sic) pour les
saintes huiles, un soleil en argent, desquels vases sacrés nous nous
sommes emparés pour être déposés au secrétariat du district. Sur l'autel,
nous avons trouvé six chandeliers en cuivre, quatre petites statues
en bois doré, ainsi qu'une croix, un devant d'autel en bois de chesne
doré et sculté; à la contre-table, un grand tableau représentant l'Annonciation
; sur les portes, deux petits tableaux représentant l'adoration des
mages et l'autre trois personnages pieux, avec leurs cadres dorés ;
deux crédences en bois de chesne; neuf caisses ou crachoirs; une lampe
en cuivre; un lambris en bois de chesne avec des sièges autour de la
dite Eglise; lesquels meubles nous avons laissé en place, à l'exception
de la lampe et des flambeaux, transportés dans l'appartement dit la
« roberie ». L'inventaire se continue ainsi, puis les portes sont fermées et le scellé y est apposé. Il en est de même de la chambre de de la Gallissonnière, dont le mobilier était abondant et en bel état; du chartrier et de la bibliothèque; de ces deux derniers l'inventaire ne semble avoir été fait que d'une façon très sommaire. 19 |
Ensuite, passés dans deux Ermitages, nous avons trouvé deux autels en bois et deux petites clochettes d'environ neuf pouces de diamètre. De là, passés dans la chapelle à côté de la principale porte
d'entrée, nous y avons trouvé un autel, une image de la Vierge, quatre
chandeliers, deux tableaux pieux. L'énumération de toutes les autres pièces et de tous les objets
se trouvant dans le couvent se continue et le dit inventaire se termine
ainsi : la Recette s'est montée
à. ................. 3.589 livres 7 sols 6 deniers et
la Dépense à. ................................... 3.328 livres
15 sols 3 deniers la Recette excède la Dépense de .............
60 livres 12 sols 3 deniers laquelle somme ledit sieur Prieur nous
a présentement comptée, en espèces sonnantes et monnayées ayant cours
; de laquelle notre secrétaire s'est saisi pour la déposer dans la caisse
du district, dont reçu sera remis par le Receveur. S'est également saisi,
le Secrétaire, desdits registres pour les déposer en notre secrétariat
avec l'état des débiteurs de ladite maison, pour vente de bois, et un
état des créanciers. » Tous ont signé. Je n'ai pas retrouvé ces registres aux archives, mais seulement,
dans le fonds dit de la Révolution, sous un dossier, II, 1076, la pièce
que je transcris ci-dessous; elle se compose de trois feuilles doubles
qui paraissent avoir été détachées d'un registre. Sur la première, est
écrit, en latin, le résumé mensuel des recettes et des dépenses de juillet
1788 jusqu'au 23 juin 1789. 20 |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A la fin il y a :
Et
au-dessous le cachet en cire rouge du Couvent des Carmes Déchaussés. Au
bas de la 7° page on lit :
21
|
Plus il appert qu'il est dû à la communauté, par divers particuliers,
pour la coupe des bois de l'année dernière 1789, la somme de 1.949 livres
1sol. De
plus, nous avons examiné la vente des bois de l'usance de l'année de
1790 et, d'après examen fait, avons trouvé que ladite coupe de bois,
tant ce qui est vendu et livré à ce jour que ce qui reste encore dans
la dite vente, nous avons évalué le tout à 1.800 livres. ETAT du Revenu de ladite Maison, suivant
les beaux (sic), à nous présentés :
22 |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
De la réquisition de nous, maire et officiers municipaux de
la dite paroisse de Montore, et du consentement du Prieur et du Sous-Prieur
de la dite Maison, a comparu avec nous M. le Curé du dit Montore, pour
faire lecture devant nous, des comptes écrits en latin, qui se trouverait
dans la dite communauté, sans qu'il puisse avoir pour ce, aucune voix
active ou passive dans notre présente visite et répertoire; ce que nous
avons tous signé avec les articles précédentes (sic). A la Maison
du Désert de la Garde-Chatel, le 5 mai 1790. Deux Religieux seulement ont signé : Leurs signatures s'étendent allongées
et accentuées sur toute la largeur de la page; celle du Sous-Prieur
est suivie d'un énorme paraphe formé de quatre longues lignes en diagonales.
Ce n'est plus l'écriture tremblée et rapetissée de la première apparition
des membres du district ; on voit et on sent que cette fois c'est la
dernière signature donnée, parce que c'est le dernier jour de l'existence
du Couvent, et que le sort en est jeté ! ! Désormais la cloche restera muette dans
le clocher; plus de processions dans les allées ombreuses, plus de chants
religieux où le sifflement du merle et le trille du rossignol se mêlaient
à la voix des moines. Plus de registres rédigés en latin, cette langue
des oraisons chrétiennes. C'est maintenant le grimoire des greffiers
de la Révolution qui mentionneront les faits accomplis à la Garde-Chatel. Nous avons vu que lors de la prise de possession par les membres
du district accompagnés du procureur de la commune de Montaure, le 21
janvier 1791, le Couvent du Désert était occupé par neuf moines. |
Le P. Amable de Saint-Jean-Baptiste, Prêtre, âgé de 89 ans
et 6 mois, aveugle et très infirme, a déclaré vouloir continuer à vivre
dans son ordre et profession de Religieux, et mourir dans cette même
maison. Le Frère Chérubin de Saint-Henry, Religieux, sacristin, choriste
dans les ordres mineurs, âgé de 51 ans et six mois, a déclaré être dans
l'intention de vivre dans l'ordre Religieux qu'il a embrassé, et, s'il
est possible, de mourir dans la dite Maison. (Henry Lombard, de Brest). Les sept autres ont déclaré être dans l'intention de se retirer
et de vivre chacun en son particulier. Je ne sais combien de temps ils sont
restés dans le Désert; j'ai seulement trouvé, aux archives départementales,
une note qui semble avoir été faite pour être remise au district de
Louviers ; elle est datée du 3 mars 1791. Est-ce une date de départ? En voici la copie : Cette note provient-elle de dépenses faites depuis la prise de possession par les membres du district ? Dans ce cas, nous sommes loin de l'austérité des premiers temps ! La note aux frères Buhot, qui étaient cultivateurs voisins, consiste en volailles, lait, œufs, beurre; en un mot, les produits de leur basse-cour. L'un d'eux, Alexandre Buhot, était procureur de la commune de Montaure, et à ce titre il procéda à la prise de possession des biens du Couvent. Plus tard, il se fit adjuger plusieurs propriétés dépendant du Couvent, sans doute à titre de services rendus. Mais nous sommes en révolution ! 24 |
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La vente du mobilier et des objets saisis commença les 7 et
8 juillet 1791. Elle produisit. 2.010 livres 17 sols La deuxième vente eut lieu le 9 octobre suivant et produisit
. 835 livres 12 sols Mais
le 26 mars 1791, le district de Louviers arrête que,
conformément aux décrets de l'Assemblée nationale de septembre
et octobre 1790, sanctionnés par le roi Louis XVI, le 14 du dit octobre,
chaque département devant choisir deux des anciens couvents pour être
affectés aux Religieux qui préfèrent continuer la vie commune, la Maison
conventuelle de la cy-devant Abbaye de la Neuve-Lyre, district de Verneuil,
sera affecté aux Religieux des ordres rentés, et la Maison de la Garde-Chatel
aux Religieux non rentés. Les dits Religieux devront s'y retirer avant
le Ier avril. Le même décret de l'Assemblée nationale
porte que chaque Maison devra contenir au moins vingt Religieux. La même loi autorise les Religieux à
emporter le mobilier à leur usage, ainsi que leurs effets personnels. Le 11 mai suivant, les commissaires
du district de Louviers dressèrent procès-verbal de l'installation à
l'ex-Couvent de la Garde-Chatel, de deux cy-devant Religieux Capucins
de la Maison des Andelys, et leur délivrèrent les meubles, ustensiles
et batterie de cuisine nécessaires à leur usage, ainsi que les vases
sacrés et ornements pour le culte divin. Deux anciens Carmes qui avaient déclaré
vouloir continuer à vivre dans leur monastère, y étaient restés. Voilà
donc l'ancien Désert des Carmes Déchaussés avec une destination nouvelle,
et avec de nouveaux hôtes. Mais, sans pouvoir en préciser la durée,
elle ne paraît pas avoir été bien longue. Nous trouvons sur le registre des arrêtés
du Directoire du district de Louviers du 13 août 1792, l'an IVe
de la Liberté : |
Sur le rapport fait par un des Messieurs,
d'une requête présentée par la municipalité et le sieur Curé de la Haye-Malherbe,
exposé que leur église est dans le plus mauvais état, et si pauvre que
le peu de revenus qu'elle a ne peut subvenir à l'orner, il ne suffit
même pas pour la dépense annuelle, malgré l'économie qu'on puisse y
apporter ; et que l'hautel (sic) du chœur est en très mauvais
état, pourquoi ils demandent l'hautel et les lambris du chœur du Couvent
de la Garde-Chatel, où il existe cinq chapelles inutiles, n'y ayant
que trois Religieux Prêtres, qui ne peuvent y rester, n'étant pas au
nombre fixé par la loi. « Vu la dite requête, et l'avis du district
de Louviers, qui estime qu'il y a lieu d'accorder à la municipalité
de la Haye-Malherbe, un autel du chœur de l'Eglise du Couvent de la
Garde-Chatel, pour orner celle de la paroisse de la Haye-Malherbe, qui
en a grand besoin, « II est arrêté, ouï le Procureur général syndic, qu'il sera
par le directoire du district de Louviers, délivré à la municipalité
de la Haye-Malherbe, etc., etc. ». Cet acte signale qu'il ne reste plus que trois résidents à
la Garde-Chatel ; sans doute le quatrième, le manquant, était le R.
P. Amable de Saint-Jean-Baptiste[16],
lequel, âgé de 90 ans environ, avait déclaré vouloir mourir dans ce
couvent qu'il avait choisi. Ses vœux étaient accomplis ! Que se passa-t-il ensuite, à l'intérieur de ce couvent; c'est
ce que je n'ai pu élucider. Le seul document que j'ai pu recueillir
est une feuille d'émargement des «pensionnaires ex-Religieux (sic)
qui consentirent à prêter le serment dans le délai prescrit, et ce par
devant les notaires de Louviers. » Cette feuille datée de 1793, porte neuf signatures; sept anciens
Carmes du Désert et les deux Capucins qui y étaient venus. Mais il n'y
a pas d'autre indication si ce n'est qu'ils ont émargé à Louviers et
qu'ils résidaient dans le district de Louviers. |
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En voici la copie :
Le
dernier acte qui mentionne l'habitation du Couvent est un arrêté du
directoire du district de Louviers du 26 juin 1793, l'an IIe
de la République : « Vivement affectés des dilapidations et des dévastations qui
se commettent journellement et nocturnement dans les bois de la Garde-Chatel
et dans la maison conventuelle, |
Considérant que le refus qu'a fait la
municipalité de Montaure, au citoyen Mouchard, garde, d'un certificat
de civisme, n'est fondé que sur l'esprit de parti, ainsi qu'il appert
de pièces produites par le dit Mouchard, en réponse au refus ci-dessus;
arrête, le citoyen Mouchard est et demeure nommé garde ; il est autorisé
de s'armer, et est obligé de loger dans la dite maison conventuelle. » ....... Mais rien n'indique si les trois Religieux
en étaient partis. Sur le registre des procès-verbaux des ventes des
biens nationaux du 29 janvier 1793, nous trouvons: « La direction de l'assemblée administrative, en conséquence
des affiches, indications, etc., etc. A, ce jourd'hui, de la 2e séance d'enchères et adjudications
des biens et domaines nationaux, etc., première estimation, l'horloge
située dans le clocher de la cy-devant communauté des Carmes Déchaussés
de la Garde-Chatel, etc., adjugé à la municipalité de Montaure; prix
: 225 francs. » La vente de l'ancienne Abbaye de Lyre, qui avait été affectée
en 1790, comme maison de retraite pour les ordres rentes, eut lieu le
12 ventôse an VI. La vente de l'enclos de la Garde-Chatel eut lieu seulement
le 28 février 1815. Sa contenance est de 140 hectares 35 centiares,
et la vente a été faite au rabais. Le procès-verbal d'estimation évalue
le terrain et le bois planté, aménagé à différents âges, à
... 135.000 francs 28 |
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![]() Dans le parc, cette chapelle édifiée à la fin du XIXe siècle, est dédiée à St Jean Baptiste de la Salle, fondateur des Frères des Ecoles Chrétiennes, et qui fit retraite au Désert. |
![]() Le pignon de ce bâtiment à l'entrée du parc, date lui aussi de l'édification du monastère. |
Cette mise à prix doublée a été successivement
diminuée jusqu'à la somme de 171,000 fr. et l'adjudication a été prononcée
en faveur de M. Mel Hutrel, négociant à Rouen, rue Encrière., Les murailles du parc furent restaurées, mais les bâtiments
de l'ancien couvent disparurent. Il y a quelques années, on voyait encore
une petite maison carrée à trois fenêtres de façade, ancien logement
d'un des portiers, devenue le logis du propriétaire, et à côté la chapelle
qui était publique. Cette chapelle devait être très fréquentée; en 1894,
il y avait encore, au hameau de la Vallée, chez François Goujon, un
criptique, probablement fabriqué par un moine du Désert, mais en tous
cas laissé par lui, afin que le chef de cette famille puisse lire la
messe et le catéchisme aux enfants de la contrée, devant l'image de
Dieu, pendant que la chapelle serait fermée et que les moines seraient
absents. Aujourd'hui, de l'asile de prières,
il ne reste plus que le mur extérieur du cloître, qui sert d'enceinte
au potager. La vigne y trouve son appui et, à l'automne, ses pampres
se couvrent d'un raisin délicieux; c'est une des parures de la table
des propriétaires. Un château dans le style Louis XIII a remplacé les
vieux bâtiments monacaux; la nature a remplacé la discipline et la règle
monastique. La châtelaine, bonne aux pauvres, continue à répandre autour
de la Garde-Chatel ce parfum de la charité, la première des vertus chrétiennes. Tel est le résumé de l'histoire du Désert
des Carmes Déchaussés de la Garde-Chatel, proche Louviers, avec adjonction
de quelques documents nouveaux. Les pièces justificatives ont été publiées
successivement dans la Revue Catholique de Normandie, à Evreux,
en 1899. |
Notes [1]
Cette
hostie jetée au feu, puis jetée dans l'eau bouillante, puis lacérée
d'un coup de poignard, demeura toujours intacte. Ce miracle dit «
des Billettes » a été reproduit par les verriers du XVIe
siècle, sur six vitraux, pour l'église Saint-Eloi, à Rouen. Ces vitraux,
des plus intéressants, sont, en grande partie, conservés au musée
de Rouen. La description en a été faite par M. Jules Adeline. [2]Le cloître était très
grand et des peintures murales y représentaient toutes les circonstances
du voyage des Carmes, de la Terre Sainte à Paris, [3] Madame veuve de Polaillon fonda la congrégation des filles de la Providence ; Saint Vincent de Paul obtint qu'Anne d'Autriche s'en déclarât la protectrice. [4]
Ce
bosquet n'était qu'une fraction de la Garde-Chatel qui, dans l'origine,
était une des cinq gardes ou portions de la forêt de Bord, domaine
considérable des anciens ducs de Normandie. Il existe aux archives nationales,
à Paris, un plan de cette forêt, daté de 1566, fort intéressant. |
[5]
Ce domaine
de Bayeux était un petit domaine distinct du grand domaine, parce qu'il
fut composé de plusieurs petites parties que le Roy se réserva lorsqu'il
engagea son grand domaine au duc de Ferrare, en 1528.
[6] Cet arrêt de vérification ne fut rendu que le 30 août 1661. Les lettres ne furent enregistrées au bureau des finances de la Généralité de Caen, que le 16 avril 1663. [7]
Une
lame de plomb fut trouvée dans la fondation d'un gros mur de l'église
; elle est actuellement au Musée de Louviers, provenant de la collection
Lalun. Elle porte l'écusson de France aux trois fleurs de lys. Au-dessous,
l'inscription suivante : « Ludovicas XIV Galliarum Rex Christianissimus,
Sacri Déserti fondator, hunc primum posuit lapidem, per manus ilmi
et Revmi Egidii Boutaut Episcopi Ebroien. Anno pacis die
XX Augusti 1660. [8] Cet ermitage fut appelé Ermitage
de Saint-Louis. [9]Un érudit de l'Ordre des Carmes fait remonter l'origine de son Ordre au prophète Elie, se retirant sur le Mont Carmel. Son exposé héraldique, où il comprend le Christ, eut à supporter de nombreuses et savantes controverses, notamment celle du P. Papebrock, Jésuite au XVIIe siècle, mais les Carmes maintinrent leurs prétentions. [10]
Cette
plaque de cuivre est au musée de Louviers; elle faisait également
partie de la collection Lalun. |
[11]Je n'ai pu retrouver
ce registre, mais j'ai eu en mains un fort beau manuscrit composé de
seize feuilles de parchemin, recouvert d'une fort bonne reliure en veau,
décorée d'un encadrement de double filet doré, a roulettes dorées à
l'intérieur, et formant un in-4° raisin. Ce travail est intitulé
: Conseils à une Reyne sur la manière d'élever ses enfants. Et
II est signé : F'- CNVCDI. II appartient a une
très ancienne et très honorable famille du pays, la famille Delandre,
dont la propriété est coutiguë au mur du couvent. L'un d'eux, Pierre
Delandre, occupait par bail authentique des terres dudit couvent. Ce travail, écrit en
lettres bâtardes, avec de belles capitales, semble bien être une de
ces thèses qui aurait été traitée sur la demande d'Anne d'Autriche.
Les initiales formant signature peuvent, sous plus d'un titre, faire
reconnaître leur auteur, le Frère Cyprien de la Nativité de la Vierge,
Carme Déchaussé Indigne. Ce moine, André de Compans,
né à Paris, avait reçu une grande instruction, publia de nombreux travaux
sur des sujets religieux. Venu du couvent de Saint-Germain au couvent
de Rouen, peut-être pour aider à l'installation du Désert, on trouve
son nom comme ayant assisté, le 22 octobre 1664, à une donation de six
mille livres en écus, laquelle somme il emploie pour obtenir le désistement
des procédures commencées. Plus tard, en 1673, on trouve ses parents
faisant fondation d'une cellule. La mort d'Anne d'Autriche, survenue le 15 janvier 1668, a peut-être été la cause que ce travail fait « suivant l'ordre de Sa Majesté », comme il est mentionné dès les premières lignes, est resté dans le pays, ne pouvant plus parvenir à sa destination. |
[12]
Le
Prieuré de Montaure fut fondé en 1018, par Stigandus, gentilhomme
de la chambre de Richard II, duc de Normandie et Roi d'Angleterre,
qui lui donna une partie des revenus de l'église Saint-Etienne-des-Tonneliers,
de Rouen. [13] Les descendants habitent le château de Saint-Aubin-d'Ecrosville. [14]
On connaît la
légende de Saint-Lubin : Lubin était un ermite qui vivait
dans la contrée ; un jour qu'il était allé à Louviers, il acheta un
poisson pour sa nourriture. A son retour, il s'arrêta au pied d'une
épine et s'y endormit. Il ne se réveilla qu'au bout de sept ans; à
son réveil, l'ermite n'avait nullement vieilli et son poisson avait
conservé sa fraîcheur. Le bruit de ce miracle se répandit et Lubin
devint en grande vénération. D'après certaine version Saint-Lubin
mort évêque de Chartres en 566 vint le visiter ; mais d'autres racontent
que l'ermite finit par consentir à abandonner la solitude et fut nommé
évêque à Chartres. |
En tous cas, une antique chapelle existait en cet endroit, et au XIIe siècle y fut établi le Prieuré de Saint-Aubin-de-1'Epine. La Révolution a supprimé le Prieuré, mais sa chapelle subsiste et est encore le but de nombreux pèlerinages. Les Pèlerins tournent sept fois autour de l'épine qui a continué à pousser près de la chapelle. On sait que Saint-Lubin, évêque
de Chartres, fut, dans sa jeunesse, en but à de violentes persécutions,
qu'il fut même laissé pour mort et dut se cacher à diverses reprises.
Est-ce pour fuir ses persécuteurs qu'il vint en cette contrée, de
même qu'environ trois siècles auparavant Saint-Maux et Saint-Vénérand
y étaient venus et furent martyrisés tout près de là, à Acquigny? Dans cette légende du poisson, ne doit-on pas reconnaître cet emblème des premiers chrétiens, et afin d'indiquer qu'après sept années la foi chrétienne de Lubin avait conservé toute son ardeur, toute sa fraîcheur? [15] L'abbé Caresme. Notes dans Le Publicateur de Louviers du 18 avril 1876. [16]Louis Maret, de Rouen. |
![]() Sur ce plan des bâtiments monacaux on repère en -1- la chapelle d'origine dont rien ne subsiste, hormis des vestiges de fondation trouvés lors de travaux; en -2- un des pavillons d'angle (voir photo ci-dessus) et en -3- l'ancien mur extérieur du bâtiment. |
![]() Le pignon de la construction de l'entrée, datant très vraisemblablement de la construction du Désert. |
Aujourd'hui, toujours à l'abri
de son grand mur, la Garde-Châtel retentit l'hiver des aboiements
des chiens et des coups de fusil des chasseurs, ou s'anime l'été
des jeux et des activités des groupes de jeunes qui viennent
y découvrir la nature. |
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